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24 août 2011 3 24 /08 /août /2011 18:45

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    La « réformette » de l’Agence du médicament.

 

Madame Sylvie Simon, me fait l'amitié de m'autoriser à reproduire l'article ci-dessous, qui fait le point sur la politique du médicaments après le scandale du médiator.

 

Après le scandale du Mediator, notre ministre de la Santé a annoncé un projet de loi avant la fin de l’année pour une réforme en profondeur du dispositif français de la pharmacovigilance.

Il est regrettable qu’il ait fallu ce scandale pour faire enfin bouger, un peu, les monolithes qui prétendent veiller sur notre santé. Mais tout le monde s’est réjoui car mieux vaut tard que jamais !

Nombre d’entre nous ont bien pensé que le nouveau projet ne pouvait être révolutionnaire, mais cette transformation n’est que du bla-bla-bla pour calmer la révolte de l’opinion publique  et les « phares » du projet ne risquent guère de nous éblouir.

 

Tout d’abord, l’Afssaps va être rebaptisée, mais ce n’est pas la première fois qu’on change son nom, sans changer le plus important. En 1993, lors de sa création, elle s’appelait Agence du médicament et était financée à parts égales par l’État et par les redevances. Ses principaux objectifs étaient la protection et la sécurité des patients, la garantie de la compétence scientifique et de l’indépendance de ses membres, le bon fonctionnement des contrôles des propriétés thérapeutiques des médicaments au meilleur coût possible, tout en  participant au développement de la recherche pharmaceutique et des activités industrielles. Ce dernier dessein est le seul qui ait été parfaitement accompli.

En janvier 1999, elle est devenue l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de
Santé, avec le même genre d’objectifs : améliorer la cohérence et l'efficacité de l'administration sanitaire (qui en avait déjà besoin), regrouper une expertise scientifique indépendante et de haut niveau tant interne qu'externe au profit d'une politique de précaution, mieux garantir la sécurité et la qualité des produits de santé mis sur le marché et engager de nouveaux moyens d'inspection et de contrôle.

 

En 2005, les recettes de l'Afssaps étaient fournies « à 83% par l'industrie pharmaceutique et pour seulement 6,4% par l'État » (cf, senat.fr [archive]), mais tout le monde ou presque trouvait cela très normal. Aussi, malgré ses promesses, elle n’a quasiment jamais voulu appliquer le principe de précaution, se fiant à ses « experts » dont la plupart d’entre eux avaient des liens étroits avec l’industrie pharmaceutique.

Elle n’a donc jamais tenu ses promesses et elle est ainsi devenue complice des laboratoires pour lesquels le chiffre d’affaires est plus important que la santé des consommateurs. Il en a été ainsi pour de nombreux médicaments tels le Vioxx, le Celebrex, l’Acomplia, l’Avandia, le Mediator et quelques autres, et il a fallu attendre des milliers d’accidents et plusieurs morts, parfois des centaines, avant que l’Agence ne réagisse, et toujours sous le prétexte que personne ne pouvait prévoir ces tragédies. Or, ces médicaments étaient pour la plupart déjà retirés dans d’autres pays à cause de leurs effets délétères ou même mortels et de toute manière, nombre de médecins français avaient sonné l’alarme à leurs sujets.

 

La revue Prescrire (n° 191 de janvier 1999) a publié un sévère bilan des nouveaux médicaments de 1998, dont moins de 20 % ont été jugés utiles et la situation ne s’est pas améliorée depuis lors. Ainsi, 80 % d’entre eux n’ont aucun effet thérapeutique, mais ils ont néanmoins des effets iatrogènes et, il est important de le répéter, ils sont remboursés. Comme l’a bien précisé le Pr Philippe Even, président de l'Institut Necker et co-auteur d'un rapport censé inspirer cette réforme du médicament, leur suppression ferait économiser 8 à 10 milliards d'euros à la Sécurité sociale.

 

En résumé, l’Afssaps a surtout servi à protéger les intérêts financiers de l’industrie pharmaceutique et l’on comprend qu’avec tous ces scandales en sommeil, Xavier Bertrand souhaite une refonte du système de sécurité sanitaire avant l’explosion finale. D’après ses déclarations tonitruantes, la nouvelle Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) devrait mettre l'accent sur la transparence, avec notamment l’obligation de remplir des déclarations d'intérêts. Rien de bien nouveau puisque cette obligation existait déjà à l’Afssaps, mais son « oubli » n’a jamais été sanctionné. Et, de toute manière, ce n’est pas parce qu’un « expert » déclare ses intérêts qu’il demeure indépendant, loin de là.

 

Philippe Even a déclaré avec pertinence, mais sans écho : « Aux États-Unis ou en Suède, on ne demande pas leur avis à des professionnels extérieurs, on les embauche, on les paie bien. J'ai une liste de 300 universitaires haut de gamme ignorés par les agences de santé publique, il suffirait qu'on en embauche 40 à, par exemple, 120 000 euros par an, ce ne serait rien sur les 111 millions de budget annuel de l'Afssaps. » Évidemment, aucun moyen n'est dégagé pour avoir des experts indépendants et compétents, et la formation continue des médecins restera assurée par l'industrie et la presse médicale « sous contrôle », ce qui ne veut rien dire.

 

Autres conflits d'intérêts, les firmes qui fournissent les données d'évaluation clinique de leurs médicaments s’abritent derrière le secret industriel pour l’information et l’accès aux documents administratifs. Xavier Bertrand a estimé que tout nouveau médicament mis sur le marché doit être comparé au médicament de référence qui existe déjà dans le même domaine, mais le projet de loi final n’en fait pas mention. Il souhaite également que la liste des médicaments sous « surveillance particulière » soit régulièrement mise à jour par l'Agence et publiée sur son site Internet, mais qui va décider en toute liberté quel médicament méritera une surveillance particulière ? Il en sera de même pour la diffusion de tous les documents qui auront permis de préparer la mise sur le marché d'un médicament, encore et toujours fournis par les fabricants.

 

Notre ministre a aussi précisé que « le doute doit bénéficier  systématiquement au patient », ce qui est impossible puisque l’inversion de la charge de la preuve restera inchangée et qu’il est quasiment impossible à un malade, à son médecin, ou une association de défense des victimes de prouver une relation de causalité stricte entre un médicament et tels effets indésirables. Ce sera toujours à la victime d’apporter la preuve du délit et non au coupable qui niera impunément comme c’est la coutume depuis des lustres.

 

De même, l’Igas (Inspection générale des Affaires sociales) voulait que soit mis fin à « l’incohérence qui voit des médicaments proposés au déremboursement par la commission de transparence pour des raisons de sécurité sanitaire rester sur le marché ». À ce sujet, notre ministre aurait bien du mal à expliquer pourquoi, sur la seule recommandation des laboratoires, il a tout fait pour aider la promotion du vaccin Gardasil®, qui risque d’être un très prochain scandale, car il le considérait comme une « avancée majeure de santé publique » (cf. Europe 1, 12 février 2007). Pour l’instant, aux États-Unis, il s’agit déjà d’un véritable scandale et les plaintes commencent à arriver en France. Avant de quitter le ministère de la Santé, Xavier Bertrand a déclaré à l’Assemblée nationale qu’il n’avait pas voulu perdre de temps et attendre que la HAS (Haute autorité de santé publique) rende son avis pour demander le remboursement de ce vaccin qui coûte plus de 400 euros pour les trois injections plus les visites médicales. Pourquoi était-il si pressé ? De coutume on attend d’obtenir l’AMM avant de demander le remboursement. Deux mois plus tard, la Haute autorité de santé a rendu un avis favorable sur ce vaccin, mais pouvait-elle faire autrement alors que le ministre avait demandé son  remboursement ? Toutefois, le chiffre d’affaires qui en découle représente une belle rente pour Merck et Sanofi-Aventis car 370 000 Françaises ont 14 ans chaque année.

Personne n’a songé à reprocher cette attitude à un ministre qui a annoncé que « le critère de la valeur ajoutée thérapeutique doit être pris en compte dans la réflexion de l’octroi d’une AMM ». Et, bien qu’il ait annoncé un durcissement des conditions d’autorisation de mise sur le marché, aucun changement fondamental de l’AMM n’est prévu, excepté 
que le ministre souhaite interdire à toute personne qui se trouve en conflit d’intérêt d’être présente et de participer à une réunion. Dans de tels cas, « les décisions et les avis pris lors de cette réunion doivent être frappés de nullité », a-t-il expliqué, comme si le fait d’assister ou non à une réunion devait changer grand chose, du moment où l’on fait partie du système. De toute manière le vote pour l’agrément se fait à main levée, ce qui paralyse certains participants et permet aux observateurs de savoir à qui ils pourront octroyer des fonds pour la recherche, et il n’est pas question de le changer dans sa nouvelle mouture.

 

Quant à la pharmacovigilance renforcée, une commission mixte bénéfice-risque sera créée à l’ANSM pour traiter des sujets majeurs, avec parité des représentants de la pharmacovigilance et de l’AMM. « Si les délais des études demandées aux industriels ne sont pas respectés, alors des sanctions s’appliqueront », a prévenu Xavier Bertrand indiquant qu’elles pourront aller jusqu’à une suspension d’AMM. Mais que dire si les responsables de l’ANSM agissent comme Jean Marimbert, ex-directeur général de l'Afssaps, qui a déclaré, après avoir été averti que le Roaccutane® faisait face à 2 422 actions en justice aux États-Unis et que 30 % d'enfants issus de mère ayant utilisé ce poison pendant leur grossesse seraient victimes de malformations (systèmes nerveux central, cardiovasculaire) : « le bénéfice du traitement est avéré » ? Pour le récompenser de son incompétence à l’Afssaps, Jean Marimbert a été nommé en Conseil des ministres au poste de secrétaire général, commun aux ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur. Victime du Mediator ce haut fonctionnaire multifonctions prend, une fois de plus, les commandes d’une administration qu’il ne connaît pas davantage que celle de la pharmacovigilance.

 

Par ailleurs, le ministre a annoncé le lancement d’une concertation pour revoir « de fond en comble la visite médicale ». Dans l’attente, Xavier Bertrand  propose d’interdire « la visite médicale dans un cadre individuel ». Elle doit s’inscrire dans un cadre collectif, à l’hôpital à titre expérimental, avant extension à la médecine de ville, mais cette restriction n’empêchera pas les visiteurs médicaux de répéter les mensonges publicitaires des laboratoires, qu’ils aient un auditeur ou plusieurs, si ces derniers ne sont pas avertis.  

Gérard Bapt, le député socialiste qui a poussé le gouvernement à réagir, voit un changement positif par rapport à l'époque où Roselyne Bachelot lui répondait que les liens des experts avec les labos ne concernaient que « leur vie privée ». C’est certain, et cette époque est révolue car, trop sûrs de leur impunité, les ministres ou experts disaient et répétaient n’importe quelle sottise sans même se rendre compte de leur stupidité. Après le petit virus de la « grippette », le Médiator a mis fin aux certitudes de ces pouvoirs aussi corrompus que désinformés.  Cependant, Christian Riché, pharmacologue au CHU de Rennes, n’est pas dupe : « Tant que les experts seront bénévoles pour la santé publique, tandis que les labos rémunèrent leurs conseils des milliers d'euros, les conflits d'intérêts demeureront. »

Et le plus important dans cette réformette est son silence au sujet de la surmédicalisation de la santé au détriment d’une vie et d’une nourriture saines, ce qui ouvre la porte à tous les abus. ( Note de Jacques Lacaze: surmédicalisation de la santé certes, mais en même temps disparité considérables concernant l'implantation géographique des structures de soin. Des structures de proximité en maternité ou chirurgie disparaissent etc ... La prévention des maladies et la médecine préventive, l'information réelle et honnête de l'ensemble de la population restent lettre morte. Un seul but du profit et à court terme. L'exemple du plan cancer est tout à fait démonstratif. Il y a refus de mettre en route un plan cohérente prévention active: le cancer et l'augmentation de l'incidence de cette maladie est beaucoup trop juteuse pour l'industrie du cancer. Il faudra en reparler.)

Il nous reste à attendre encore un nouveau scandale, l’occasion ne peut que se représenter, pour qu’on comprenne enfin que rafistoler un système usé ne sert à rien, il faut en créer un nouveau, en dehors des combines et des lobbies européens, et de l’Emea, aussi responsable que l’Afssaps ou que l’OMS dans les dérives actuelles, qui concernent aussi bien la santé que la vie des citoyens.

 

Sylvie Simon 

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commentaires

T
<br /> Cet article qui est publié sur mon blog sera sans aucun doute très visité. Il nous concerne tous.<br /> <br /> <br />
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